Saskia Schatteman
Saskia Schatteman
28/03/2019
« Use data, but use your instinct first », déclarait Martin Lindström dans son keynote lors de l’UBA Trends Day. Dans la foulée de cet événement, il s’est entretenu avec Saskia Schatteman, notre CEO. Au menu, cinq phrases-chocs de l’auteur danois.

Martin Lindström compte parmi les ‘World’s 100 Most Influential People’ de Time Magazine. Il ne possède pas de smartphone. Il n’est pas obsédé par les tendances du moment. Et à une époque où l’on ne parle que de big data, il consacre un livre à leur antithèse : les small data.

1. ‘Don’t get caught in the chicken cage’

Vous utilisez la métaphore des poules en batterie. Pourquoi ?

Je fais effectivement référence à une expérience menée sur des poules élevées en batterie. Après six mois de batterie, les poules en question ont enfin pu sortir de leur cage. Qu’a-t-on constaté ? Qu’elles réintègrent immédiatement leur geôle. Pour les en faire sortir, il faut placer les grains de maïs à proximité directe de la cage, et bien étudier et connaître la vie en batterie. Sinon, les poules ne sortent pas. Comme le disait Steve Jobs : You have to start from the customer experience, and move backwards to the technology. Et non l’inverse.

2. Do your ‘Clue gathering’

Les humains ne sont pas toujours en mesure d’expliquer leurs comportements. Il est donc important d’étudier ces attitudes dans leur sphère de vie, en utilisant parfois des techniques implicites, comme le fait la Var avec sa nouvelle étude DIVA.

Les déclarations du client ne correspondent pas nécessairement à son ressenti ou à son intention. Savez-vous que 85% de nos actes sont irrationnels ? La pub, c’est un mélange de science et de neuromarketing. C’est le message clé de mon livre ‘Buyology’.

Pour savoir ce que les clients veulent vraiment, il faut d’abord trouver les causes de leur comportement, puis découvrir les corrélations. C’est ce que j’appelle ‘la collecte d’indices’.

J’aime citer l’exemple de la compagnie aérienne Swiss. Dans leurs ateliers, ils ont impliqué du personnel exerçant de multiples fonctions. Et qu’ont-ils constaté ? Que, dans chaque groupe, la motivation et le changement n’ont commencé à augmenter que quand chaque membre du groupe, des pilotes et du personnel de cabine aux collaborateurs du back-office, a perçu l’importance de leur fonction et de leur contribution à la transformation de la compagnie. Ce n’est qu’ensuite que la satisfaction des clients et la vente de billets ont progressé.

3. The power of ‘Contextual messaging’

Dans le cadre des patrimoines Alliance de la VRT, les annonceurs mettent un point d’honneur à présenter à leur groupe cible un message aussi créatif que possible, en encadrant l’émission télé à laquelle ils associent leur marque.

Outre le message en lui-même, le choix du contexte est tout aussi crucial. C’est ce que j’appelle le ‘contextual messaging’. Ce concept existe depuis de nombreuses années, au point que le temps est venu de passer à l’étape suivante : le ‘contextual branding’. Tout l’art consiste à combiner le bon message, adressé au bon groupe cible, au bon moment. Ces choix doivent être fondés sur des données spécifiques, telles que le profil des cibles sur les médias sociaux et leur activité internet.

4. ‘Brand sense’

Selon AdWeek, la dimension sonore sera un des principaux supports publicitaires de l’avenir. Les annonceurs ne pourront plus se contenter de penser à leur profil visuel, mais devront aussi se choisir une signature auditive. Comment voyez-vous l’avenir du sonic branding ?

Le sonic branding devient une arme essentielle. C’est le message de mon livre ‘Brand Sense’ : les marques doivent s’adresser aux cinq sens. La musique crée de nouveaux souvenirs, évoque le passé et peut vous transporter instantanément ‘ailleurs’. La plupart des gens ne regardent pas la pub télé, mais ils l’écoutent. En jouant sur plusieurs sens, sans surtout oublier la dimension auditive, vous augmentez considérablement l’impact de vos campagnes.

5. ‘Candy moments’ et ‘water moments’

Vous évoquez les ‘candy moments’ et les ‘water moments’. Expliquez-nous ?

Un ‘candy moment’ est un moment que l’on s’octroie en guise de récompense. Les gens ont besoin de ce renforcement positif, comme disent les psychologues. Il s’agit d’un système de gratification interne qui intervient lorsqu’on travaille, lit, réfléchit ou se concentre. Ces moments balisent nos routines, nous donnent une énergie nouvelle et stimulent notre attention. Pour le dire simplement, on se récompense soi-même après avoir fait un effort. Ce ‘candy moment’ peut prendre la forme d’un cadeau que l’on s’offre à soi-même, ou de la consommation d’un contenu.

Les gens ne tendent-ils pas à s’octroyer trop de ‘candy moments’? Notre faculté d’attention se réduit. On est très vite distrait par autre chose. Comment gérer tout cela ?

Il est exact que les gens ont tendance à souhaiter se déconnecter de plus en plus souvent. Voici mes deux conseils :

Conseil n°1: débarrassez-vous de votre smartphone. Personnellement, je n’en ai plus depuis longtemps et j’en suis ravi ! D’accord, j’ai une équipe d’assistants qui m’aident à me souvenir de mes rendez-vous et engagements, mais cette absence de fil à la patte me permet d’être toujours présent à 100%, comme aujourd'hui pour cette conversation.

Conseil n°2 : recherchez les ‘water moments’, c'est-à-dire un endroit où vous pouvez recharger vos batteries et laisser s’écouler le flux de vos idées. Profitez de ces moments pour prendre du recul et observer les choses sous un autre angle. On a tous besoin de ces ‘water moments’, que ce soit sous la douche, lorsqu’on conduit ou qu’on pratique le jogging ou la natation, comme moi.